[Bonnes pratiques ] À la mairie de Lille, une démarche participative poussée favorise vraiment le maintien en emploi

[Bonnes pratiques ] À la mairie de Lille, une démarche participative poussée favorise vraiment le maintien en emploi

29.10.2019

HSE

Le changement doit s’appuyer sur les expériences de terrain et le vécu des personnes confrontées à la maladie ou en situation d’usure professionnelle. Telle est la règle appliquée à Lille pour éviter la désinsertion professionnelle et prévenir l'inemployabilité des agents usés ou malades. Accompagnés par des chercheures du Cnam, les services RH ont combiné plusieurs dispositifs, visant notamment à ce que les agents reprennent confiance en eux et se rendent compte de leurs compétences.

À la mairie de Lille comme ailleurs, les transformations de la fonction publique posent des difficultés de maintien dans l’emploi des agents en restriction d’aptitude : compressions budgétaires et gel des recrutements, usure et vieillissement des agents, raréfaction des postes allégés… Avec la baisse des effectifs et l’intensification du travail, la pénibilité est au rendez-vous, que ce soit dans les résidences pour personnes âgées, les crèches, la restauration collective ou encore les espaces verts.

"Nous avions tenté sans succès plusieurs plans d’action pour reclasser certains de nos agents en inaptitude. Face à l’absence de solution satisfaisante, nous avons décidé de faire appel aux chercheurs du Cnam pour nous aider, le maintien dans l’emploi étant l’une de nos priorités", déclare Maryse Carrez, directrice des relations sociales et du travail à la ville de Lille, lors d'une journée d’études organisée par l’Anact et le Gestes (groupe d'études sur le travail et la santé au travail), le 24 septembre 2019.

À partir du vécu

Les chercheures en psychologie du travail et en sociologie, notamment Dominique Lhuillier et Anne-Marie Waser du Cnam, auteures d’un ouvrage sur le travail avec une maladie chronique, ont construit avec le service des ressources humaines une démarche participative de diagnostic et de transformation.

"Dans un premier temps, nous avons réalisé une série d’entretiens dans les services de la ville où les métiers sont réputés difficiles. Puis, nous nous sommes entretenues avec les personnes en attente de reclassement", raconte Malika Litim, psychologue du travail et maître de conférences à l’université Paris 13. Le principe de la démarche est le suivant : le changement doit s’appuyer sur les expériences de terrain, le vécu des personnes confrontées à la maladie ou en situation d’usure.

Plusieurs groupes de travail ont été réunis : l'un avec des personnes en attente de reclassement ou ayant réussi leur retour à l’emploi, un autre avec les directeurs opérationnels afin de favoriser le partage d’expériences, ou encore un groupe avec les syndicats pour réfléchir au rôle des représentants du personnel sur les questions de maintien dans l’emploi.

HSE

Hygiène, sécurité et environnement (HSE) est un domaine d’expertise ayant pour vocation le contrôle et la prévention des risques professionnels ainsi que la prise en compte des impacts sur l’environnement de l’activité humaine. L’HSE se divise donc en deux grands domaines : l’hygiène et la sécurité au travail (autrement appelées Santé, Sécurité au travail ou SST) et l’environnement. 

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"Vis mon job"

Des entretiens avec les personnes en attente de reclassement, Malika Litim retient leur sentiment de "double peine". Confrontés à une maladie chronique, un accident ou un handicap, les agents se sentent abandonnés et déconsidérés. Certains sont maintenus en arrêt maladie dans l’attente d’une perspective de poste. "Nous avons organisé des groupes dits 'passerelles' afin de présenter aux agents en attente de reclassement des métiers pour lesquels ils ont une compétence transférable. L’objectif était aussi de leur redonner confiance en eux", précise Maryse Carrez.

La directrice des relations sociales et du travail de la ville de Lille cite le cas d’agentes ayant travaillé en Ehpad et dont les compétences professionnelles d’écoute et d’analyse des besoins ont pu être réutilisées sur des postes d’agent d’accueil en mairie de quartier. Adossé au groupe Passerelle, le dispositif baptisé "Vis mon job" permet d’organiser une immersion des agents au sein des services dans lesquels ils pourraient être reclassés afin qu’ils puissent confirmer leur intérêt pour le nouveau métier. "Grâce à l’ensemble de ces dispositifs, plusieurs agents ont d’ores et déjà pu retrouver une activité", souligne Maryse Carrez.

Pour éviter l’isolement et le repli sur soi des agents en attente de reclassement, des outils de "maintien du lien" ont été expérimentés. Ainsi, l’expérience des agents ayant vécu un parcours de reclassement a-t-elle été retranscrite dans un guide pratique, et des "ambassadeurs" – ces agents ayant réussi leur reclassement – permettent de garder le contact avec les personnes en arrêt maladie.

Réadaptation professionnelle

Les réflexions collectives ont permis de repenser l’organisation du travail de certains services et de créer des postes "doux" pour les agents en restriction d’aptitude. Le "parcours de réadaptation professionnelle" pour les agents en longue maladie est régulièrement utilisé : il s'agit d'un outil statutaire peu connu qui permet à ceux qui le souhaitent de suivre par exemple une formation pendant leur arrêt. Plusieurs personnes ont pu retrouver un poste après s’être formées.

La ville se veut en outre attentive à la prévention des risques et de la pénibilité. Un module de prévention dans la formation des encadrants est en cours de déploiement, et des outils permettant de limiter la pénibilité – à l'instar de "ramasses jouets" pour les agentes travaillant dans les crèches – sont expérimentés. Maryse Carrez souligne qu'il s'agit là d'"un élément central de la démarche que nous avons engagée avec les chercheures du Cnam".

Joëlle Maraschin
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